Comment écrit-on ?

1.         Écrire, avec un stylo bien sûr, c’est glisser sur la page, coulant. Sans retenu, ni exagéré, couler mot pour mot.

Il y a ceux qui avec ce stylo poussent leur mot, leur volonté, à travers le papier, ils veulent hacher.

L’un jeu de langue n’est pas l’autre.

Ne pensez pas que faire passer votre volonté n’est pas un jeu de langage. Malgré le sérieux du joueur.

(libre interprétation de Ludwig Wittgenstein)

2.         Les animaux n’écrivent pas et ne jouent pas avec le langage.

3.         S’exprimer n’est pas immédiatement un jeu de haut niveau. Le stylo qui le fait est un scalpel. Néanmoins, le genre a du succès. Le masochisme est à la mode.

L’écrivain japonais utilise son stylo ou son pinceau en bois pour glisser sur le papier. Son mouvement est ininterrompu, sans bégaiement, bien que le papier ne soit pas toujours lisse. Il se tait d’abord et laisse les mots fermenter en lui. Il garde d’abord le silence jusqu’à ce qu’il soit suffisamment, peut-être même complètement, vide à l’intérieur, réceptif aux mots.

Bref, c’est ce que je pense. Je ne connais personnellement aucun écrivain japonais. Les écrivains japonais contemporains écrivent-ils aussi uniquement sur un ordinateur ?

4.         Comment Edgar Allen Poe aurait-il écrit ? La main lourde ou la main légère ?

Paul van Ostaijen écrivait lentement vers la fin de sa vie.

Marcel van Maele a probablement écrit d’une manière frondeuse et injurieuse.

5.         Lorsque j’écris de la prose, mon stylo ne coule pas sur le papier avec autant de fluidité que lorsque j’écris de la poésie. Je n’entends pas la prose, je la vois. Ou est-ce que j’imagine tout ça ?

Lorsque j’écris de la prose au crayon, j’appuie légèrement sur le papier, sauf si j’écris avec un porte-mine : c’est proche du stylo.

6.         Les jeunes d’aujourd’hui écrivent-ils encore ? Ils tapotent avec deux doigts surmenés sur un clavier de téléphone ou d’ordinateur. En conséquence, ils écrivent des fautes. Après tout, ils pensent que tout doit être fait rapidement et qu’une faute ne pose aucun problème.

Une faute est une mauvaise chose. Cela gâche le plaisir de lire. Parfois, j’arrête de lire après deux fautes.

Taper à l’aveugle avec dix doigts, n’est-ce pas la même chose qu’écrire ? Il s’agit toujours de transcrire, tu sais, à partir du papier ou de la tête.

La tête a-t-elle plus d’espace d’écriture sur le papier ? Je pense que oui.

7.         Goûtez-vous le mot « spatule » aussi bien sur un clavier, après quoi il apparaît sur un écran, que lorsque vous l’écrivez sur papier ?

Le mot « spatule » surgirait-il dans l’esprit de l’auteur qui touche les touches ? Ou qui tape sur les touches ?

Entendriez-vous ce mot lorsque vous le tapez et qu’il apparaît à l’écran ?

En bref : peut-on écrire de la poésie sur un ordinateur, et encore moins sur un téléphone portable ?

Quel est l’intérêt de ces réflexions ? Encore une fois, rien ou aussi bien que rien.

8.         L’écrivain français Roland Barthes a écrit sur l’acte d’écrire, notamment dans son livre « le plaisir du texte ». Tout au plus, j’aimerais que mes réflexions effectuent un travail supplémentaire au sien.